Gadagne : visite d’un musée sans collections exposées (2)

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Après le premier niveau (voir l’article), voici la deuxième partie du parcours du Musée Gadagne, un étage plus haut. Celui-ci s’intitule : « Les pieds dans l’eau ». Rappelons que nous sommes dans un musée, pas dans un parc d’attraction. Il s’agit bien sûr d’une allusion aux deux cours d’eau, un fleuve et une rivière, qui baignent la capitale des Gaules et dont cette section est censée traiter.


1. La pirogue-vivier
Lyon, Musée Gadagne
Photo : Didier Rykner
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Au moins, pour la première fois, voit-on quelques - rares - œuvres... Une pirogue-vivier du XVIe siècle (ill. 1), découverte il y a quelques années et qui a toute légitimité à être présentée dans ce musée, occupe la première salle, dans une muséographie minimaliste et une lumière bleutée qu’on peine à s’expliquer. Sans doute parce que les eaux du Rhône sont « bleu-gris » comme nous le dit un panneau. Pourtant un autre nous apprend que celles de la Saône seraient « vert-marron »…


2. Salle du Musée Gadagne avec au centre un tableau de Charles-François Rivard
Photo : Didier Rykner
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3. Alexandre-Hyacinthe Dunouy (1757-1841)
Vue de Pierre Scize, vers 1793
Huile sur toile - 99,6 x 148,2 cm
Lyon, Musée Gadagne
Photo : Musée des Beaux-Arts de Lyon
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Dans la salle suivante on trouve quelques tableaux, dont les deux grandes toiles de Charles-François Rivard montrant respectivement les bords de la Saône et du Rhône en 1804 (ill. 2), et une peinture d’Alexandre-Hyacinthe Dunouy (ill. 3), ainsi qu’une autre vue de Lyon par Joseph Vézien Desombrages, un artiste très peu connu mais un joli tableau. C’est au moins ça. Cette présentation minimaliste est organisée par petites sections, une par mur, qui viennent illustrer les différentes activités que l’on peut faire au bord d’une rivière : « Au fil des siècles, Lyon vit au plus près de ses cours d’eau. Pêcher, transporter, nager, laver, jouer, se détendre… Tant d’usages sont possibles. La rivière et le fleuve favorisent échanges et prospérité »… Les quelques objets réunis ici relèvent plutôt d’un musée des Arts et traditions populaires (ill. 4) que d’un musée d’histoire. Pourquoi pas, mais cela ne nous apprend rien, ou pas grand chose, sinon que lavandière est « un métier énergique ».


4. Vue d’un mur d’une salle
du Musée Gadagne
Photo : Didier Rykner
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5. Une salle du Musée Gadagne,
à gauche, un tableau accroché trop bas,
à droite, un tableau accroché pas droit (à moins que ce ne soit la cimaise...)
Photo : Didier Rykner
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Dans la salle suivante sont encore accrochés quelques tableaux (ill. 5)… L’un est placé très bas si bien qu’on le voit fort mal (il paraît que c’est pour les enfants…). L’autre est accroché de travers, à moins que ce ne soit la cimaise qui le supporte qui est penchée. Pourquoi ? Peut-être parce qu’il représente un bateau pris dans les glaces, donc lui même pas bien droit ? Cette salle montre en effet que la proximité du Rhône et de la Saône, rend la « vie pas si tranquille ». Il faut ici à nouveau citer intégralement le texte du panneau : « Vivre si près de l’eau n’est pas sans danger. Été comme hiver, ces forces naturelles vivantes se dessèchent, se gonflent, résistent, détruisent. Pas facile dans ces conditions de les franchir, d’y naviguer et d’agrandir une ville. Et pourtant. Au cours du 19e siècle [1], grâce aux progrès techniques, ces colères sont domptées et ces forces sont canalisées. Vivre si près des humains n’est pas si tranquille… »


6. À gauche, une huile sur toile, ou plutôt une reproduction d’une huile sur toile...
Photo : Didier Rykner
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Cette prose pose plusieurs questions fascinantes : comment un cours d’eau (et encore davantage le Rhône et la Saône) peuvent-ils se « dessécher » ? S’assécher, à l’extrême limite… Quant à la phrase « Vivre si près des humains n’est pas si tranquille », on se demande de qui on parle ? Du fleuve pour lequel les humains seraient menaçants ? L’élève de troisième qui a probablement écrit ce texte va décidément avoir une mauvaise note. À moins qu’il ne s’agisse d’un parmi les « centaines d’expert·es et de chercheur·es » consultés ?
Dans cette grande salle, on verra donc en tout et pour tout trois œuvres d’art. Les deux tableaux cités plus haut, et un troisième, par Hippolyte Lazerges, représentant Napoléon visitant les inondés de 1856. Si l’on y ajoute une maquette de bateau, ce sont à peu près les seuls objets dignes d’un musée qui y sont présentés. Le reste ? Des panneaux de salle indigents, des livrets et des plaquettes à feuilleter, des reproductions de gravures et de photographies plus ou moins agrandies et, plus grave encore, une reproduction grandeur nature d’une huile sur toile (ill. 6). Pendant que les collections du musée dorment en réserve, on expose des reproductions de tableau !


7. Un diorama au Musée Gadagne
(Louis Daguerre doit se retourner
dans sa tombe)
Photo : Didier Rykner
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8. Une « maison de castor »
au Musée Gadagne
Photo : Didier Rykner
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Nous passerons encore plus vite dans la salle suivante qui défie l’imagination. Sous prétexte de dénoncer la pollution, on y voit une espèce de décor qui prend presque toute la pièce (ill. 7). Le dossier de presse nous apprend qu’il s’agit d’un « diorama mettant en scène un décor hyper réaliste pour sensibiliser le public à la fragilité de l’écosystème des lônes (bras) du Rhône subissant les pressions humaines ». On appréciera le côté « hyper réaliste » de cette leçon de choses.
Fort heureusement, pour se remettre de toutes ces émotions, le visiteur peut se lover dans une petite niche (ill. 8) à l’abri des problèmes du monde : « "Par ici" Frérot et sœurette la suivent jusqu’à une cabane de branchage. Une maison de castor ». On aimerait sourire, on n’y arrive même pas, et on n’aura pas davantage envie de regarder le film qui clôt le parcours et qui présente « des vues aériennes et subaquatiques du Rhône et de la Saône », entouré d’un microscope et d’un bout de maquette (ill. 9).


9. Un film projeté au Musée Gadagne
Photo : Didier Rykner
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Voilà. C’était le deuxième niveau du Musée Gadagne. Le visiteur a pu voir jusqu’à présent à peine plus d’une dizaine d’œuvres. Mais la visite n’est pas terminée, il reste encore beaucoup à ne pas voir…

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